Les Afriques - Crise 2009, les secrets profonds de la crise malgache

DOSSIER : Dans Les Afriques
Les secrets profonds de la crise malgache

La déception Marc Ravalomanana

L’arrivée de Marc Ravalomanana à la tête du pays en 2002, à la suite d’une élection controversée, était vue comme le vecteur possible du changement. Ce grand industriel était l’un des rares à produire malgache. Son ambitieux programme, le Madagascar Action plan (MAP) voulait favoriser le développement de l’île en l’intégrant dans la mondialisation.Les bailleurs de fonds ont souscrit à cette vision, faisaient la queue à coup de milliards de dollars. Ravalomanana avait privilégié le partenariat multilatéral au bilatéralisme issu du colonialisme, il a fait entrer l’apprentissage de l’anglais au primaire dans certaines écoles pilotes et il a envoyé beaucoup de jeunes aux Etats Unis. Ravalomanana avait les faveurs du président Américain George W. Bush. C’est pourquoi, l’île-pays fut le premier bénéficiaire en 2004 du Millenium Challenge Corporation (MCC).
Ce sont également les américains qui furent les premiers à reconnaître l’élection de Marc Ravalomanana en 2002 contre Didier Ratsiraka, alors que la France avait mis 5 mois pour reconnaître l’élection de Ravalomanana.

Ravalomanana avait mis les intérêts français à mal et en concurrence avec les entreprises chinoises, Américaines, Canadiennes et Japonaises. Le Groupe Bolloré avait été écarté de l’appel d’offres pour la gestion du port de Toamasina (Tamatave) et c’est par une très forte pression de l’Elysée que le gouvernement avait signé en septembre 2008, une licence permettant à Total d’exploiter les sables Bitumineux de Bemolanga. Les relations entre la France et Ravalomanana étaient tendues, il ne plaisait pas aux milieux économiques français, installés de longue date sur la grande île (Madagascar, abrite une des plus importantes communautés françaises d’Afrique, soit 25 000 personnes dont 13 000 binationaux).

Le French Coup

Le coup d’Etat d’Andry Rajoelina, le 18 mars 2009 à été qualifié comme étant un «french Coup» un coup-d’état orchestré par la France, selon les propos d’un diplomate européen à l’issue de la réunion du groupe international de contact sur Madagascar du 6 au 7 octobre 2009 à Antananarivo, rapporté par billets d’Afrique n°185, Nov. 2009. Léonardo Simao, ancien chef de la diplomatie du Mozambique et membre de l’équipe de médiation, cité par Thomas Deltombe (le monde diplomatique de Mars 2012) «l’ingérence française dans les affaires malgaches équivaut à un quasi-colonialisme. Marc Ravalomanana, dans une interview au quotidien le monde, le 28/10/2009, propos recueillis par Sébastien Hervieu, «Le coup d’Etat à Madagascar était bien étudié et bien orchestré, en 3 mois, c’était fait ! … Il y avait des français derrière cela, les services de renseignements Sud Africains, ici me l’ont dit».

Dans les câbles diplomatiques américains révélés par Wikileaks à l’automne 2011, «Pierre Van Den Boogaerde, ancien représentant du FMI à Antananarivo a affirmé que la France a payé la facture, les extras du Capsat», note l’ambassadeur américain de l’époque, Niels Marquart en référence aux mutins du corps des personnels et des services administratifs et techniques (Capsat), qui ont joué un rôle centrale dans le renversement de Ravalomanana et l’accession de Rajoelina au pouvoir en 2009. L’ambassadeur américain note toutefois que d’autres personnalités, y compris des diplomates étrangers, partagent la même conclusion. Mamy Rakotoarivelo, président de la chambre basse du parlement et chef de la mouvance qui soutient Ravalomanana, insinue que : «… Claude Guéant à l’époque SG de l’Elysée, Andre Par-rant, conseiller Afrique de Sarkozy et de Robert Bourgi, conseiller occulte, ont fait des déplacements périodiques à Madagascar, dès l’arriver de Rajoelina au pouvoir» et parmi les plus proches conseillers de Rajoelina, il y a l’homme d’affaires franco-malgache Patrick Lelloup, proche de Robert Bourgi. Au cour du séjour de Rajoelina en France, en décembre 2011, ce dernier avait rencontré Julien Balkany, demi-frère de Patrick Balkany, ami intime de Nicolas Sarkozy. Les révélations du colonel Charles Andrianasoavina (sur Ti1ca.com) rapportent que Rajoelina a été financé par des personnalités du milieu politico-économique malgache et français.
(...)
Le pétrole du Canal du Mozambique et ses îles stratégiques sont la clé de la crise malgache et étant un Canal de transit d’une grande partie des pétroliers exportant le pétrole du Moyen-Orient vers l’Europe et L’Amérique, cet itinéraire d’approvisionnement, fait partie de la sécurité nationale des U.S.A et de la France. Ce Canal va du sud du Kenya au Mozambique, en englobant Madagascar et les Seychelles. (...) Le Canal du Mozambique se présente comme étant l’eldorado pétrolier des mers du sud. En Avril 2012, L’US Geological Survey a publié l’état d’évaluation des réserves de pétrole et de gaz du Canal de Mozambique. Ce rapport englobe géographiquement les côtes mozambicaines, tanzaniennes, la rive gauche et la côte-ouest malgache et les Seychelles (rive droite). En termes de gaz, ces gisements offshores équivaudraient au potentiel de la mer du nord et en matière de pétrole, il serait aussi prometteur que le Golfe de Guinée. Rien que sur la partie malgache, les réserves sont estimées à 17 milliards de barils de pétrole et 167 000 milliards de pieds de m3 de gaz, c’est-à-dire tout simplement, le niveau de l’Angola. (...) Au bord du Canal de Mozambique, au sud-ouest de l’île de Madagascar, il y a le bassin pétrolier de Morondava, où se trouve le gisement de pétrole lourds «Sables bitumineux de Bemolanga (2 milliard de Réserves) et dont le permis appartient à Total et le gisement de Tsimiroro (1 milliard de réserves) exploré par Madagascar Oil. Laurie Hunter, PDG de cette compagnie, affirme que si les résultats du projet pilote sont positifs, Tsimiroro sera exploité sur 50 ans pour une production de 150 000 barils/jour et ce seul gisement positionnera Madagascar parmi les 10 premiers en Afrique (le bloc Manambolo, Morondava, Manandaza, sur le bassin de Morondava, n’ont pas encore été exploré).
Le problème le plus épineux au sein du Canal de Mozambique, sont les îles Eparses : Juan De Nova, Europa et Bassas Da India qui ont un potentiel pétrolier et gazier extrêmement gigantesque. Juan De Nova est situé au milieu du Canal est de ce fait extrêmement stratégique.

La république autonome de Madagascar a été crée le 14 Avril 1958 et a acquis l’indépendance en 1960. Le 1er avril 1960, un décret français a détaché le récif de Tromelin, l’archipel des Glorieuses et des îlots Juan De Nova, Europa et Bassas Da India de Madagascar. Mais en 1973, Madagascar a contesté le détachement sous prétexte qu’il viole l’intégrité territoriale d’un pays colonial promus à l’indépendance, mais la France considère que cette scission s’est effectuée avec l’accord du président Philibert Tsiranana. En 1974, la France a installé un détachement militaire pour répondre aux revendications et l’île est interdite d’accès, seul des scientifiques sont autorisés à y accoster. En 1979, l’ONU avait recommandé à la France d’engager les négociations en vue de la restitution de l’île à Madagascar. En 1976, la France avait départementalisé l’île de Mayotte en la détachant arbitrairement de l’archipel des Comores, pour rendre définitivement la souveraineté française sur cette île qui se trouve au nord du Canal de Mozambique. La loi ordinaire du 21 Février 2007 a rattaché les îles Glorieuses, Juan De Nova, Europa et Bassas Da India aux terres australes et antarctiques françaises. Marc Ravalomanana a défendu l’inaliénabilité des îles Eparses, lors de ses allocutions à la tribune des Nations Unis en 2006, 2007 et 2008. En 1985, Madagascar avait créé sa ZEE (zone économique exclusive de 200 miles marins) et à 150 km des côtes malgaches, Juan De Nova devait naturellement intégrer la ZEE des 200 miles marins de Madagascar, hors le décret N° 78- 146 du 03 février 1978 portant création d’une ZEE par la France au large des côtes de Juan De Nova, se superpose à la ZEE de Madagascar et en l’absence d’un accord de cogestion, personne n’est propriétaire de rien.

On peut dès lors s’interroger sur la légalité et la légitimité des concessions et permis que la France a accordé aux opérateurs pétroliers opérant sur cette zone litige. En effet un arrêté du 23 mai 2005 autorise des prospections préalables d’hydrocarbures liquides ou gazeux portant sur les sous-sols marins (offshore). L’autorisation, dite «APP de Juan De Nova Maritime» qui porte sur une superficie de 62 000 km² environ au large de l’île qui accorde un permis de recherche à Osceola Hydrocarbon Ltd, Juan De Nova Ltd, Marex Inc, Roc Oil Company Ltd, pour Juan De Nova Maritime Profond (Ouest) et le rapport publié par Juan De Nova Ltd, Osceola Hydrocarbon Ltd... sont très prometteurs, le rapport fait état de forage effectués à de très grandes profondeurs et donc une exploitation très coûteuses dans le futur. Un autre permis exclusif d’exploitation offshore et de production sur deux blocs a été accordé par la France : Juan De Nova Est-Jane et Juan Nova Marittime Profond, hors un permis d’exploitation sur un bloc «BELO Profond» qui jouxte très exactement le bloc Jdnmp est accordé par le gouvernement malgache aux opérateurs pétroliers de Jdnmp. En mars 2012, Total a offert près de 113 millions de dollars pour le rachat de Wessex Exploration PLC qui détient 70% des droits d’exploration offshore et d’exploitation d’un des deux permis sur deux blocs au large de l’île de Juan De Nova.
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3 comments:

  1. http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cafe/08-09/c0809054.asp
    Présidence de M. Axel Poniatowski, président

    "Pour autant, la France ne retient pas l’hypothèse d’un retour au pouvoir de Marc Ravalomanana. Seule la communauté des États d’Afrique australe – la SADC (Southern African Development Community) – l’envisage encore. Même la présence physique à Madagascar du président semble problématique.
    Notre pouvoir d’influence n’est pas nul"

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  2. http://politiques-publiques.com/Jacob-Zuma-La-France-n-encourage.html#.UqHWsr6Egrk

    Le Président de l’Afrique du sud a annoncé son intention de ne pas se rendre au sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique les 6 et 7 décembre prochain. Jacob Zuma a ainsi déclaré, rompant le "politiquement correct" qui entoure les grandes rencontres internationales : "Je ne trouves pas l’intérêt d’aller à un sommet France-Afrique, alors que la France n’encourage pas la démocratie que veut les peuples de ses colonies. En effet la France renforce et ne consolide que ses intérêts dans ses colonies ; dès qu’on veut la rappeler à l’ordre, elle n’hésite pas de déstabiliser les nationalistes qui trouvent gênant qu’après la soit disante indépendance, que les richesses du colonisé continu de nourrir l’économie du colonisateur. Nous voulons une Afrique forte et qui doit avoir un leadership encourageant ; et non une Afrique que la France initie dans un processus qui continue à renforcer le pillage des ressources d’Afrique."

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  3. http://www.afriqueredaction.com/article-jacob-zuma-boycotte-le-sommet-afrique-france-dit-non-d-une-maniere-diplomatique-a-f-hollande-121411858.html

    “l’interventionnisme français sur le continent africain [qui] agace l’Afrique du Sud et de plus en plus les dirigeants africains. Sur la quarantaine de Chefs d’Etat invités, plusieurs voient ce sommet comme la légitimation de l’interventionnisme français en Afrique. Si certains, comme Jacob Zuma peuvent opposer un refus au président français, d’autres, par peur de se voir renverser par une rébellion aux ramifications parisiennes, préfèrent se taire et s’y rendre”.

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